Interview avec Alix Lecomte, auteur aux éditions Persée
Découvrez l’interview d’Alix Lecomte, auteur d’un roman audacieux et envoûtant, Et la mer devint rouge comme le sang d’un mort. Il revisite les grandes figures mythologiques, les projetant dans un univers où l’anticipation côtoie le sacré, l’érotisme et la philosophie. Il évoque les désirs inavoués, les conflits intérieurs, et cette tension constante entre foi, chaos et survie.
1. Pouvez-vous vous présenter ?
Je réside en Louisiane, terre créole où palabrent des multiples cultures et où j’ai longtemps enseigné à l’Université. Désormais, j’écris et publie des romans sous le pseudonyme d’Alix Lecomte. Le premier, La Tentation d’Odala, un « récit des temps mérovingiens », est paru en 2024 aux éditions Tintamarre, qui est le seul éditeur publiant en français aux États-Unis.
Pour quoi le pseudonymat ? Parce qu’entre le critique/professeur que j’ai été et l’écrivain que je suis devenu, la distance est grande ; de fait, ils s’opposent en s’inversant. Le critique tente de rendre compte des impressions que lui donne une œuvre, alors que la tâche de l’écrivain est de créer des impressions chez ses lecteurs. Bien entendu, bien qu’ils soient des personnes différentes, il leur arrive de collaborer, le professeur apportant au romancier son savoir et son goût pour les belles œuvres et la belle langue et l’écrivain partageant son penchant pour la beauté (souvent féminine).
Depuis mon tout jeune âge, j’ai voulu devenir écrivain ; à sept ans, j’avais écrit une histoire de pirates illustrée. Quand, adolescent, j’ai lu Le Rouge et le noir, ça a été une révélation émotionnelle : si c’était cela, la littérature, alors je voulais en faire ! Ce rêve romantique a fait place, pendant longtemps, à la nécessité : il fallait que je gagne ma vie. Cependant, il y a 43 ans, un astrologue m’avait prédit que je deviendrais écrivain, « mais très tard dans la vie ». Les étoiles avaient eu raison ! J’ai donc fait un parcours en boucle ou en bande de Moebius, me revoilà au point de départ, quand, enfant, j’écrivais des romans.
2. Comment avez-vous découvert les Éditions Persée ?
Ils m’avaient envoyé un courriel manifestant leur intérêt pour le manuscrit que j’avais soumis. Je n’ai découvert ce mail, qui avait atterri dans ma boîte d’indésirables, que six mois plus tard, quand Persée m’a écrit un courrier de rappel. L’éditrice s’était obstinée. À partir de là, tout s’est enchaîné.
3. Qu’est-ce qui vous a motivé à publier votre ouvrage avec les Éditions Persée ?
Mon premier contact (par ZOOM) avec l’éditrice, Natalia Fernandez Vila, m’a immédiatement donné l’impression d’un grand professionnalisme, impression que la suite du processus éditorial n’a fait que confirmer, Isabelle Martin ayant pris le relai. Par ailleurs, les garanties pour une large diffusion de mon roman me paraissent solides.
4. Qu’est-ce qui vous a inspiré pour écrire ce roman ?
L’imaginaire des origines et de la fin m’ont toujours fasciné : le début, quand tout semble possible ; l’apocalypse, quand les possibles s’évaporent. J’ai aussi, sans nul doute, fait inconsciemment écho à l’actualité, avec la guerre contre l’Ukraine et le spectre de l’anéantissement nucléaire, et la pandémie du COVID, heureusement maitrisée aujourd’hui, mais qui est peut-être le prélude d’une contagion beaucoup plus grave. Je voulais montrer comment la beauté pouvait naître de l’horreur, à la manière de Charles Baudelaire (toutes proportions gardées, bien évidemment).
5. Votre livre s’intitule Et la mer devint rouge comme le sang d’un mort. Pourquoi avez-vous choisi ce titre ?
Ce titre est une citation tirée de l’Apocalypse de Jean, l’aigle de Patmos, un texte d’une inspiration poétique exceptionnelle, comme le sont souvent les paroles des prophètes dans la Bible. Il m’a donné le lieu où devait se passer l’action principale du roman, ainsi que des images qui restent, aujourd’hui encore, extrêmement puissantes. Απο-κάλυψη, en grec, cela veut dire « dé-voilement », « ré-vélation », « dé-couverte ». En somme, rien de mieux approprié à un récit qui part du mystère pour atteindre la clé de l’énigme.
6. Vous revisitez des figures légendaires dans un monde futuriste. Comment avez-vous articulé cette tension entre mythe et anticipation ?
La science-fiction, en sous-main, veut créer des mythes futurs, qu’ils soient dystopiques ou utopiques. Sa parenté secrète avec les mythologies des peuples disparus ou vivant encore est donc profonde. L’« u-topie », c’est ce qui n’a pas de lieu sur terre, tout comme les dieux de l’Olympe ou le Dieu de l’Ancien Testament. Le mythe et l’utopie demandent donc une suspension d’incrédulité, ils veulent rendre réels des objets qui sont soustraits à l’expérience commune. À partir de quoi, tout s’enchaîne naturellement de causes à conséquences, dans la continuité humaine, qui est ce désir de (se) raconter. Les affinités du mythe et de la science-fiction sont donc profondes, bien qu’elles ne soient pas, à première vue, évidentes.
7. Ce roman est traversé par une tension constante entre érotisme, foi, et apocalypse. Comment avez-vous trouvé l’équilibre entre ces dimensions ?
Ce qui unit, comme une basse continue, ces musiques portées par des voix diverses et divergentes, c’est au fond le désir et ses figures. Désir des femmes pour les hommes, et vice-versa, désir de Dieu, désir de mort et de résurrection dans une apocalypse purificatrice, tels sont les visages, à mon sens unificateurs, du thème central du roman. Qu’arrive-t-il quand on éradique le désir humain ? Tous les horizons que vous mentionnez dans votre question en sont bouleversés. Faut-il alors les restaurer ? Je pense que oui, mais mes personnages ne sont pas unanimes quant à cette réponse.
8. Aviez-vous dès le départ une vision globale, ou l’histoire s’est-elle construite progressivement ?
Je dirais les deux tout ensemble. Dès l’abord, j’ai une ouverture et une conclusion, tout l’art est de mener progressivement de l’une à l’autre. Au fond, la vision est inséparable de la progression, elle se dévoile d’elle-même dans la pratique de l’écriture.
9.Avez-vous un message à transmettre à vos futurs lecteurs ?
Je n’aime pas trop la littérature à message(s), cela la banalise et la réduit. Mais, si vous me sommez de répondre, je dirai que rien, jamais, pour l’humanité, n’est perdu : il faut toujours espérer. La désespérance et le dolorisme qui s’épanchent dans une bonne part de la littérature contemporaine sont à récuser. Mon livre se termine dans une ruine universelle, mais déjà, sous les décombres, un renouveau s’annonce.
10. Avez-vous des projets littéraires à venir ?
Dans mon petit laboratoire alchimique, au milieu des cornues, des grimoires savants, des traités hermétiques, des becs-à-gaz, et des diablotins envahissants qui se défoulent à gauche et à droite, je concocte des précipités moléculaires pour un prochain roman. Il est provisoirement intitulé Aubes, une traversée quantique. La mécanique des quantas est grosse non seulement de découvertes scientifiques et technologiques fabuleuses, mais elle pointe aussi vers des horizons philosophiques et poétiques cruciaux : peut-on voyager dans le temps ? Est-il possible, avec le « suicide quantique » (encore une histoire de mort et de résurrection), de créer son propre double qui aurait accès à de multiples autres mondes ? Ces thèmes ont été largement explorés, mais je pense qu’il est urgent de les revisiter.
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